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Deux fils

5 Déc 2025 | Article audio

J’ai deux fils, vous le savez tous.

Avoir des filles ne m’a jamais manqué, j’ai déjà beaucoup à faire avec moi-même !

Je ne suis pas de ces mères qui les trouvent plus beaux, plus intelligents, brillants… mais je suis dingue d’eux !

Au contraire je les trouve plein de failles, plein de ressources aussi, et surtout sensibles… très… maladroits, timides, des défauts géniaux à gogo, je les ai vus tomber, toujours se relever, je les vois réussir avec modestie, je suis admirative.

Je crois être une mère brouillonne et je me demande souvent au bout de combien d’enfants on peut enfin recopier sa copie au propre… jamais il me semble. Vous les mamans que je reçois, qui ont plus de 2 enfants, je vois bien que vous faites de votre mieux pour ne pas répéter vos erreurs, mais il y a toujours un truc qui cloche… nos enfants ont le don de nous ouvrir des portes sur des pièces que l’on n’aurait jamais imaginées.

Mes enfants sont adultes maintenant, je me fais toute légère, ne donne mon avis que quand ils le sollicitent, les encouragent dans tout ce qu’ils font, me garde de porter des jugements, les soutient pour tout, les rassure quand ils en ont besoin, partage avec eux lecture, expos, analyses géopolitiques, amusements et rires en tout genre. Mais ça n’empêche pas mon inquiétude.

Je vais vous raconter un détail assez anodin (pas vraiment pour moi cela dit) : mon fils aîné tout beau, tout gentil, a décidé il y a 2 ans de faire du MMA… je n’ai pas compris !!! Vous allez peut-être me dire que je suis mal câblée… mais quel besoin d’aller se faire taper dessus !! Je reconnais c’est peut-être une analyse un peu hâtive !! Mais quand-même ! Il y a 2 semaines je le rejoins avec son amoureuse pour aller au théâtre, je suis surprise, il porte des lunettes (il a une mauvaise vue, il porte toujours des lentilles), je le lui fais remarquer en lui disant que ça lui va bien (je ne perds pas une occasion de lui dire qu’il est beau !), il me répond : « oui j’ai pris un coup à la boxe » !!!! Vous croyez que ça me rassure ! Je ne dis rien mais… je pense !… Et ce que je pense c’est qu’il aurait mieux fait de s’inscrire au yoga !!! ou au tennis peut-être… mais le MMA !!!

Donc je cache soigneusement mes inquiétudes quand je les vois en difficulté. Je regorge d’imagination pour trouver les mots encourageants et les convaincre que tout va s’arranger… mais en réalité je n’en mène pas large ! J’ai mal quand ils ont mal et je m’en veux de les avoir embarqués dans cette galère qu’est la vie. Je les ai vus souffrir, je les ai vus en survie, à chaque fois ça m’a brisé le cœur. J’ai parfois eu peur qu’ils abandonnent… ils ne l’ont pas fait, bravo… tellement.

Il faut que je vous avoue quelque chose : si c’était à refaire je ne referais pas d’enfants. Je reconnais que je me suis fait un cadeau en les ayant… dès la première minute… j’adore les nourrissons… puis quand ils grandissent, leur naïveté, leur fraîcheur, mes enfants m’ont beaucoup fait rire et beaucoup touchée… mais je suis consciente que ma démarche est égoïste … et je ne suis pas sûre de leur avoir fait un cadeau, on les met au monde persuadés que le bonheur les attend mais la vie n’est jamais un conte de fées. Et moi dans l’histoire je m’inquiète : « pourvu qu’ils soient heureux », « pourvu que tout aille bien »… mais ce n’est pas comme ça que ça marche… et je sais que leur vie va leur réserver des sales coups… qu’ils auront mal… et je ne veux pas qu’ils aient mal… je n’y arrive pas quand ils ont mal, je fais bonne figure, mais ça me déchire le cœur.

Un ami m’a dit un jour : « mes enfants à 18 ans il faut qu’ils volent de leurs propres ailes, ils ont déjà eu la chance qu’on les mette au monde, ils doivent se débrouiller ». Je dois dire que cette réflexion me laisse sans voix, comment peut-on penser comme ça ? Moi j’estime que j’ai une dette envers eux et pas le contraire et je serai là pour eux jusqu’à mon dernier souffle… et après si c’est possible… !

Pourtant j’aime tellement la jeunesse, mes fils, les copains de mes fils, mes nièces, mes patients bataillant tous dans cette vie improbable pour se trouver leur place, j’aime leurs rires et leurs dérisions, leurs maladresses amoureuses, leurs essais pas toujours transformés, leurs magnifiques réussites même si elles sont toutes petites, leurs espoirs de bonheur, leur détermination à le trouver… mais j’ai peur que la vie leur fasse mal.

Vous êtes uniques, vos enfants sont uniques. Ne les jugez pas, soutenez-les en toutes circonstances, certainement que ce qu’ils font n’est pas parfait, c’est juste qu’ils ne peuvent pas faire autrement, et ensemble ayons confiance en eux.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

Un extrait de La Tendresse de Julie Bérès

De temps en temps je relis un extrait de cette pièce qui réunit 8 jeunes adultes qui expriment sans détour leurs fragilités, leurs failles, leurs peurs face à leurs vies d’hommes en construction… et je pense à mes fils… et je pense à mes jeunes patients…

– Eh !… Vous avez déjà dit « je t’aime à un ami » ? une fois oui, j’avais beaucoup bu…
– À chaque fois que je tombe amoureux, j’ai ce rêve d’un amour qui défit le temps… oui, on vieillit ensemble, y’a pas de trahison… j’ai peur d’être déçu, putain! Je me demande « est-ce que grandir c’est passer son temps à perdre des gens ? ».
– Je ne sais pas si je suis quelqu’un dont on se souvient, je suis quelqu’un de très… enfin je ne suis pas atypique… je suis assez banal, je crois.
– À notre âge, c’est trop la pression… on cherche… il faut réussir, réussir, tu penses qu’à ça !
– Je me dis les 20 prochaines années de ma vie, j’ai une pile de livres à lire. J’apprends.
– Ma vie, c’est une succession de moments où je me suis dit « là c’est fini, c’est mort, je ne me relèverai pas ». Alors tu tiens par la colère, tu te dis « je vais tout brûler, moi y compris ». Tu as l’impression que tu respires dans le feu. Avec les années je me suis forgé une armure.
– Moi aussi, ce qui me fait peur c’est le bonheur… enfin c’est la souffrance que peut entraîner le bonheur quand ça s’arrête. J’esquive.
– La nuit, quand je fais des insomnies, je vais voir mon fils qui dort. Ça m’apaise.  Il est petit encore, mais il commence à m’imiter. Il essaie de faire des figures et de prendre le regard dur, et je me dis « je veux pas lui léguer une armure aussi lourde que la mienne ». Je te regarde, tu tiens ta girafe en peluche comme si c’était ton trésor le plus précieux. J’espère que tu garderas cette tendresse toute ta vie.

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