Mensonge
J’ai menti, on m’a menti, j’ai menti à mes enfants, mes enfants m’ont menti, j’ai menti à mes amis et mes amants, mes amis et mes amants m’ont menti, par facilité, pour épater, pour avoir la paix, pour ne pas perdre de temps, pour être aimé, rien de grave en réalité, un peu de confort tout simplement.
J’ai vécu quelques années avec un menteur professionnel (erreur de casting incontestablement !), il vous apprenait comment mentir, ne jamais avouer même pris en flagrant délit de mensonge. Attention il mentait comme un arracheur de dents, mais à lui il ne fallait pas mentir. Incroyablement il traquait le mensonge de ses enfants, de moi, de tout le monde, vous accusant dès le moindre arrangement avec l’histoire, même avoir oublié de dire que c’était un mensonge, un non-dit évidemment était une volonté de mentir, mentir pour lui était un péché impardonnable et pourtant un péché qu’il pratiquait avec brio… le roi de la mauvaise foi !!
Cet homme était insupportable, mais il n’est pas arrivé à me faire développer de la haine vis-à-vis du mensonge bien au contraire j’ai beaucoup de compassion vis-à-vis de ce fameux péché, un peu comme la gourmandise. Est-ce si grave ? Est-ce que ça a tant d’importance ? Je crois même que c’est indispensable de pouvoir mentir et je crois que le problème est ailleurs quand nous devons avoir recours au mensonge.
Quelques raisons de mentir :
– Un grand classique du mensonge est la tromperie. Dans mon cabinet en cas de tromperie mon patient me dit vous vous rendez compte il/elle me ment depuis x mois ! À l’évidence il ou elle n’allait ne pas vous le dire, éventuellement rêver que vous le découvriez mais pas vous le dire… Bien sûr ce n’est pas qu’il n’y a pas de problème mais le problème n’est pas le mensonge, le problème c’est que quelque chose ne va pas dans votre couple et que vous êtes l’un et l’autre incapables d’aborder le sujet et qu’à force que le couple n’aille pas et n’arrive pas à parler l’un des deux est allé trouver une respiration dans les bras d’un autre, alors certes c’est regrettable mais le mensonge n’y est pas pour grand-chose, d’autant plus que si vous n’arrivez pas à parler de vos problèmes de couple comment imaginer que vous puissiez parler de tromperie.
– Il y a le mensonge de survie : si vous êtes homosexuel et que vous vivez dans un pays où l’homosexualité est réprimée, punie de prison et même parfois de peine de mort, alors qu’est-ce que vous faites : vous ne le dites pas ! vous êtes hétérosexuel ! D’ailleurs, ce n’est même pas que vous êtes hétérosexuel, vous êtes comme tout le monde, parce que là où vous vivez l’homosexualité n’existe pas même si tout le monde sait que c’est faux. Et là merci mensonge heureusement que tu existes, combien d’hommes et de femmes as-tu sauvés, je ne le sais pas mais tu en as sauvés et c’est tellement important.
– Il y a les petits mensonges du quotidien, pour gagner du temps pour éviter d’interminables justifications. Par petit mensonge j’entends par exemple votre amie qui vous demande comment vous trouvez sa nouvelle robe, vous adorez votre amie mais vous la savez susceptible et très autocentrée, alors vous la trouvez très belle cette robe !… Pas envie d’un incident diplomatique… pas envie d’argumenter… pas envie que ça se retourne contre vous… accusée de mauvais goût notoire ! Vous vous protégez, vous la protégez, un point c’est tout !… Il y a aussi le « mais oui mon amour, tu as raison, c’est moi qui ait tort. », c’est important pour lui et vous, vous vous en foutez comme de l’an 40, alors pourquoi risquer 3 jours de soupe à la grimace ?!
– Et n’oublions pas que l’on a chacun notre vérité, on me dit que la terre est plate, j’ai le sentiment qu’on me prend pour une idiote mais qui sait ? !!!!…
Selon le psychanalyste J.D. Nasio il y a 10 raisons qui motivent le mensonge :
– Ne pas faire de peine à l’autre
– Défendre ceux que l’on aime
– Protéger son intimité
– Obtenir le vrai (en prêchant le faux)
– Éviter une réprimande ou une punition
– Paraître plus fort ou meilleur
– Par timidité
– Par intérêt matériel
– Par plaisir ou par jeu
– Par médisance.
J. D. Nasio soutient que le mensonge est avant tout un acte défensif : la majorité de nos mensonges sont « des actes réflexes, instinctifs, auxquels on a recours pour se protéger ». De quoi ? « D’une atteinte physique, morale, matérielle ou psychique (honte, perte d’estime de soi…). En un mot : pour protéger la relation établie avec autrui. On ment par peur d’être privé de l’amour, au sens large, de l’autre. »
Bien communiquer c’est savoir prendre en compte l’autre et ce qu’il est prêt à entendre. La vérité est subjective et affective.
Soyez indulgent avec les mensonges du quotidien, que ce soient les vôtres ou ceux de vos proches, pas d’inutile culpabilité, plutôt que d’être vrai efforcez-vous d’être sincère.
Sachez que chacun a le droit à ses secrets, à sa vie personnelle et intime, avoir un jardin secret c’est avoir un espace protégé où cultiver vos rêves, vos projets, votre précieux inavouable.
Chérissez et protégez votre territoire.
Vous êtes uniques, ne l’oubliez jamais.
J’ai vu
Sur les traces de Simone de Beauvoir, le Deuxième sexe
C’est aux Etats-Unis que naît l’idée de l’écriture du Deuxième sexe. Ne serait-ce pas dans ce livre qu’a germé la différence entre le sexe et le genre…
Les immenses apports du « deuxième sexe » au féminisme contemporain mais aussi ses oublis… intéressant.
www.arte.tv/fr/videos/111780-000-A/le-deuxieme-sexe-sur-les-traces-de-simone-de-beauvoir
Radio Prague, les ondes de la révolte
Le printemps de Prague, le combat d’une radio, inspirés de faits réels, pour la liberté d’expression, la vérité, l’espoir d’une démocratie, face aux mensonges, aux chantages, aux menaces… Eclairant, touchant, bouleversant…
À méditer
Les habitués du TER ou du train de banlieue vont tout de suite voir de quoi je parle. J’observe depuis quelques années que de plus en plus de passagers s’organisent comme un cocon autour d’eux et posent, ici un sac, là un manteau, sur la place d’à côté le nez plongé dans leur smartphone espérant échapper à un voisinage direct. Parfois il suffit juste de marquer le pas pour obtenir la place, parfois il faut aller jusqu’à la réclamer, mais généralement les choses se passent bien, les voyageurs reconnaissant implicitement que vous êtes quand même plus légitime que leur parka pour voyager assis. Je ne jette pas la pierre, en tout cas pas à tout le monde, certains ont pu être traumatisés par des voisinages incommodants. Il n’empêche, je vois dans la multiplication de ces citadelles du quotidien comme le signal faible de ce que le philosophe Marcel Gauchet appelle la société des liens choisis par opposition aux interactions qu’on ne choisit pas.
Alors nous n’en sommes pas au niveau des Japonais qui peuvent désormais parfois payer un écot supplémentaire pour s’assurer que le chauffeur de taxi ne leur adressera surtout pas la parole ou que la coiffeuse qui leur rafraîchit la nuque restera muette comme une carpe. Cette tendance rencontre un succès grandissant puisque selon les articles, que j’ai lus sur le sujet, jusqu’à 60% des Tokyoïtes choisissent ce service mute quand il leur ait proposé.
Je crois avant tout que nous vivons un changement profond de ce que signifie être en société. Avant c’était interagir dans un environnement qu’on ne choisissait pas forcément alors qu’aujourd’hui c’est choisir le réseau de ses interactions, et cette bascule modifie beaucoup de choses; ainsi la civilité consistait naguère à se rendre aimable avec son voisin de circonstance en échangeant quelques mots sur le temps qu’il fait ou sur le match de la veille. La civilité aujourd’hui consiste à ne surtout pas le déranger quand il scrolle sur son téléphone. Après tout vous me direz les gens font bien ce qu’ils veulent !
Je ne suis pas une radicalisée du small talk mais je pense qu’il y a quand même dans ce mouvement général quelque chose d’un peu sombre. L’interaction qu’on ne choisit pas est l’une des seules façons d’appréhender l’autre au sens de celui qui ne pense pas comme soi ou qui ne vient pas du même milieu. Le mystère de la voix ou du regard, celui qui se révèle dans la fraternisation de circonstance est une promesse de paix. Qu’est-ce que l’addiction de masse au téléphone portable nous fait oublier ? Elle nous fait oublier que l’amabilité et la connivence impromptues sont ce qui reste à la fin pour défier les préjugés et le ressentiment auxquels les algorithmes mettent le feu. Si nous nous privons de ces fraternités de hasard qui éteindra nos incendies ?
Anne Rosencher, journaliste
Les filles à la bouillotte : réagissez
Que vous inspire cette réflexion :
« On fait tous semblant, tu sais. On fait semblant de jouir, pour que ça aille plus vite. De rire, pour ne pas passer pour susceptible ou hystérique. On fait semblant de ne pas avoir mal dit-elle, en lui tendant une paire de talons aiguilles. On prétend qu’on n’a pas faim et on mange des salades alors qu’on rêve de frites et de crème. C’est une des premières choses qu’une femme apprend. Faire semblant. »
Leïla Slimani, extrait de son livre « J’emporterai le feu » (à lire évidemment).
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