Ne pas savoir
Lundi, Isabelle (une amie) et moi accompagnons sa douce et merveilleuse jeune fille (dont je suis la marraine) à l’institut de radiologie réputé pour des examens très ciblés de dépistage de malformations fœtales, envie d’être avec elle, de la soutenir, de rendre un peu joyeux ces exercices obligés.
Zoé, jolie femme aux yeux magnifiquement vert, au sourire à éblouir la planète, à la joie contagieuse, intelligente comme personne… enceinte, enfin ! ça n’a pas été simple, ce fameux parcours de procréation assistée fait d’espoir et de déception, cette terrible impression d’avoir monté les marches, toutes presque toutes et puis il y a la dernière… et la dernière malheureusement n’est pas la bonne… alors recommencer, reprendre l’ascension marche après marche, examen, ponction, prise de sang… à n’en plus finir… mais voilà miraculeusement ou pas Zoé est enceinte depuis 5 mois et ça tient… Mais… mais, une ombre au tableau, comme si pour Zoé rien ne devait être simple dans cette aventure de tout simplement construire un beau bébé… suspicion de malformation fœtale (je vous épargnerai le vocabulaire médical), avec une probabilité très faible cependant aux dires des spécialistes. Elle est bien-sûr très suivie, jusqu’ici tous les examens sont rassurants, et arrive ce fameux examen du cinquième mois qui devrait définitivement la rassurer… ou pas ! Difficultés du calendrier son compagnon ne pourra pas l’accompagner pour cet examen décisif. Nous l’avions sentie très optimiste jusqu’ici, mais l’échéance arrivant notre Zoé est inquiète. Sa maman et moi décidons de l’accompagner.
Et donc lundi nous l’accompagnions pleines de confiance à ce dernier examen. Puis alors que nous, Isabelle et moi l’attendions, bavardes, dans la salle d’attente, Zoé nous revient de son entretien avec le radiologue/échographe… nous le voyons tout de suite… son visage… le sourire disparu… elle nous dit un truc suspect, pas vraiment inquiétant aux dires de l’échographe, mais un doute, il faut vérifier, d’autres analyses, d’autres examens…
Et soudain l’inquiétude, certes le gynécologue et l’échographe se veulent rassurants mais quand même il faut vérifier… et le doute… sûrement pas… mais peut-être… un tout tout petit « on ne sait jamais »…
Et le doute et la raison… et la raison et le doute… et l’attente surtout… le temps du rendez-vous pour les recherches nécessaires… des analyses… 3 semaines !!! c’est gigantesque, infini, interminable… 3 semaines de je ne sais pas… 3 semaines de doutes… 3 semaines d’incertitude…
C’est long de ne pas savoir, ça grignote, ça use… les scénarios insensés, les espoirs fous, les peurs irraisonnées…
Et vous dans mon cabinet, je le vois comme c’est difficile pour vous quand vous ne savez pas :
Il y a cet entretien d’embauche que vous avez eu il y a quelques jours, vous n’étiez plus que 2 en lice, ce job vous plait, vous avez le sentiment que tout s’est bien passé, 5 mois que vous êtes en recherche d’emploi… c’est important il vous le faut… mais qui sait une chance sur 2, c’est maigre, c’est beaucoup, ça pourrait être tellement pour vous, le début de milliers de projets, de sécurité… peut-être, peut-être pas… ne pas savoir.
Il y a la maitresse qui attend que son amoureux prenne une décision, qu’il quitte sa femme, qu’il se décide, qu’il le fasse enfin après des milliers de promesses jamais tenues, l’espoir infini, l’incapacité à voir l’évidente incapacité de l’autre à faire… et la vie qui ne se construit pas, hypothéquée à l’action de l’autre… l’impuissance… vouloir faire confiance… et se tromper… peut-être, peut-être pas… ne pas savoir.
Il y a le couple qui essaie de faire un enfant… fiv, espoir, attente, échec… échec, attente, espoir, fiv et fiv… déception, incompréhension, impuissance… et prières et fiv et déception… intolérable… un jour un bébé… peut-être, peut-être pas… ne pas savoir.
Il y a le célibataire sur un site, la découverte, le coup de cœur et l’autre qui n’a pas le coup de cœur, qui ne vous répond plus, qui vous ghoste, qui se permet même d’émettre des jugements sur vous, sur qui vous êtes, il vous a vu une fois !!… alors encore le site, encore la découverte, encore le coup de cœur, encore la désillusion… et encore le site… espoir de LA rencontre, un jour… peut-être, peut-être pas… ne pas savoir.
Et puis il y a l’espoir que l’autre change, qu’il vous traite enfin correctement, qu’il arrête de boire, qu’il s’engage, qu’il vous comprenne, qu’il vous respecte… c’est multiple tous ces espoirs dont nous ne sommes pas maitres… peut-être, peut-être pas… ne pas savoir.
Comment faire quand on ne sait pas ? savoir s’il faut patienter ? décider ? confronter ? espérer ? faire confiance ? lâcher-prise ?
Chaque cas est différent, Zoé n’a d’autre choix que de lâcher-prise et patienter. Dans d’autres cas la marge de manœuvre sera plus grande. Il est parfois nécessaire de décider, décider que ça cesse quitte à perdre, ainsi se donner la chance de reconstruire du satisfaisant, surtout se donner la permission d’être l’acteur de sa vie. Dans d’autres cas il s’agira de ne pas se décourager et d’essayer et d’essayer encore.
A chacun sa solution, faites-vous aider, à 2 on est plus fort, on voit plus clair… et aussi on comprend ses fonctionnements, on apprend à ne pas répéter, à se rapprocher de qui on a envie d’être, c’est inestimable.
Je vous transmets mon immense courage, vous êtes uniques, ne l’oubliez jamais.
Dans l'urgence
Rêver d’insouciance
Capter l’absence
Chérir l’élégance
Aimer les béances
Encourager la défaillance
Respecter l’ignorance
Redoubler de manigance
Oser la décadence
Adorer l’ambivalence
Ridiculiser l’intelligence
Bousculer le silence
Rechercher l’immense
Sauver l’indécence
Défier l’échéance
Cultiver l’impertinence
Entrer dans la danse
Accepter l’impuissance
Fustiger la surpuissance
Refuser la performance
Rejoindre l’enfance
Sublimer la jouissance,
Sans prudence, sans résistances,
Sans compétence, dans l’extravagance,
Avec impertinence, dans l’URGENCE.
0 commentaires